mercredi 22 mai 2013

l'homme évanescent

http://hjhfoto.blogspot.fr/ 
© Hans Jacob Haarseth


Je pensais qu'il y a des pans entiers de nos vies qui nous échappent parce que ceux qui nous entourent ne livrent rien de leur mystères, ou alors ils oublient.
© Michèle Lesbre, sur le sable, 2009
 

mardi 21 mai 2013

reflex edition

© Tom-R

Tu n'as pas fermé les volets ni tiré les rideaux. Tu ouvres la fenêtre, tu as sorti tes appareils. Un léger grain voile l'horizon et semble alourdir le vol des mouettes. Tu hésites. Tu hésites toujours avant de prendre une photographie, il y a toujours ce moment suspendu où tu sembles anticiper l'image, où elle s'inscrit dans ton regard avant d'exister, puis tu saisis l'appareil, tu le manipules comme pour retrouver votre complicité et tu restes ainsi quelques secondes à fixer ta proie avant de faire le geste que tu vas répéter plusieurs fois comme pour assouvir ton désir, l'épuiser. Ensuite tu es immobile, bras ballants, tenant ton appareil à distance, saisi d'un doute.
© Michèle Lesbre - écoute la pluie

dimanche 5 mai 2013

le canapé rouge

Ainsi, d'une certaine façon, faisait-elle partie de ce voyage dont je craignais par moments qu'il fût insensé, sans véritable destination ou pire, avec une destination obscure, telle celle du Train Zéro de Iouri Bouïda. J'avais déjà aperçu quelques gares désertées au milieu de nulle part, où un vieil Ardabiev se lamentait peut être de tant d'isolement et du sens caché de ces allers sans retours de wagons blindés, Les secrets, c'est toujours contre les hommes.
Puis je pensais à Gyl, aux cerfs-volants qu'il devait brandir comme les banderoles autrefois et que j'imaginais ressembler à de grands oiseaux mélancoliques au-dessus du lac. Je pensais à ce temps lointain où nous faisions l'amour et où toute la vie était encore à venir, à toutes ces années depuis, impalpables, comme évaporées.
Je savais que le véritable voyage se fait au retour, quand il inonde les jours d'après au point de donner cette sensation prolongée d'égarement d'un temps à un autre, d'un espace à un autre. Les images se superposent, secrète alchimie, profondeur de champ où nos ombres semblent plus vraies que nous-mêmes. Là est la vérité du voyage. Le plus difficile, alors, est d'avoir à se lever sans nulle part où aller, mais j'ignorais qu'à mon retour cette épreuve me serait épargnée et que je me rendrais plusieurs jours de suite à un rendez-vous sur un quai de Seine.
© Michèle Lesbre